Espagne: la maree humaine

 

 

Violences à Barcelone, la police utilise des balles en caoutchouc

A Madrid, une marée humaine a défilé avec l'espoir de freiner les réformes marquées par l'austérité du gouvernement de droite, fort d'une majorité absolue

 

BARCELONE Des violences ont éclaté jeudi à Barcelone, en marge de la manifestation organisée pour la grève générale en Espagne, entre des jeunes et les forces de l'ordre qui ont utilisé des balles en caoutchouc, a indiqué le ministère régional de l'Intérieur.

"La police a dû intervenir et a utilisé des balles en caoutchouc" face à un "groupe assez important" qui a provoqué "des incidents violents", a déclaré un porte-parole du ministère.

"Elles sont tirées au sol et rebondissent pour n'atteindre que les pieds". La police "ne peut pas les tirer en l'air", a-t-il précisé, ajoutant que la police avait aussi utilisé des fumigènes.

Le porte-parole a expliqué que le groupe de jeunes avait "brûlé de nombreux conteneurs et brisé la vitrine d'un magasin". "Ils ont brûlé tout ce qu'ils ont pu", a-t-il ajouté.

"Ils ont également incendié un café Starbucks mais le feu est éteint maintenant", a-t-il expliqué.

Des images de la télévision catalane ont montré des groupes de jeunes brûlant des conteneurs à ordures et faisant face aux policiers anti-émeutes, casqués. Ces derniers ont tiré plusieurs balles en caoutchouc, visant le sol.
Des jeunes jetaient des projectiles en direction des policiers ou poursuivaient leurs fourgons, tandis qu'un policier frappait un manifestant à coups de matraque.

Ils ont également mis le feu à des sacs poubelles devant la Bourse de Barcelone.
Des incidents sporadiques ont éclaté tout au long de la journée dans la capitale catalane, où des dizaines de milliers de manifestants défilaient jeudi soir au terme de la journée de grève générale convoquée par les syndicats dans toute l'Espagne.

Les incidents de Barcelone ont été les plus violents, mais des heurts ont également éclaté dans d'autres villes, comme à Madrid durant les premières heures de la grève.

Au total, 176 personnes ont été interpellées, 58 policiers et 46 manifestants ou grévistes ont été blessés à travers le pays, selon le ministère de l'Intérieur.

A Madrid, chômeurs et non-grévistes rejoignent la marée humaine

Au son des sifflets, agitant des milliers de petits drapeaux rouges et débordant le cortège organisé par les syndicats, une marée humaine a défilé jeudi à Madrid avec l'espoir de freiner les réformes marquées par l'austérité du gouvernement de droite, fort d'une majorité absolue.

"C'est important d'être ici pour qu'ils se rendent compte que malgré leur majorité, ils ne peuvent pas nous enlever tous nos droits", lance José Maria Galvez, un ingénieur de 43 ans, tenant la poussette de son bébé.

Lui a choisi de ne pas faire grève, ce qui lui aurait coûté environ 150 euros, "surtout pour des raisons économiques", explique-t-il en désignant sa fille.
Comme lui, beaucoup d'Espagnols qui avaient décidé de travailler jeudi afin d'épargner leurs finances déjà mises à mal par la crise et la sévère cure d'austérité imposée par le gouvernement ont rejoint par milliers les centaines de cortèges de manifestants qui ont pris les rues d'Espagne.

"Ca avait déjà commencé avec le précédent gouvernement (socialiste, ndlr) et maintenant celui-là liquide tous les droits qu'il nous reste: licencier aujourd'hui, c'est gratuit", lance sa compagne, Maria Victoria Lamparero, économiste de 37 ans.

Les syndicats, organisateurs de la manifestation, dénoncent la réforme du marché du travail déjà appliquée par le gouvernement, dans le but de combattre un chômage qui frappe 22,85% des actifs.

Selon eux, cette réforme aura pour seul effet d'aggraver le fléau, alors que le gouvernement espagnol lui-même prévoit déjà la destruction de 630.000 emplois en 2012 et un chômage à 24,3% en fin d'année.

"Comme on est au chômage, ils pensent que l'on va accepter n'importe quelle réforme", lance Nuria Martinez, 32 ans, qui a perdu son emploi de consultante dans le secteur de la formation il y a quatre mois.

"Nous avons étudié et maintenant nous nous retrouvons forcés d'accepter des postes et des conditions inférieures", ajoute-t-elle en avançant avec le cortège, tout en soulignant qu'elle ne se sent pas "représentée" non plus par les syndicats.

Au centre de Madrid, sur la place de la Puerta del Sol, où s'est achevée la manifestation, des milliers de manifestants se pressaient déjà plus d'une heure avant l'arrivée de la tête du cortège.

Certains magasins avaient baissé leurs devantures avant leur arrivée, craignant des incidents. Dans d'autres boutiques, comme le bureau de la loterie nationale et les cafés alentour, l'activité se poursuivait au ralenti, mais sans échauffourées.

Des devantures de banques ont été taguées et recouvertes d'autocollants rouges et blancs appelant à la grève générale avec l'un des mots d'ordre de la journée: "Ils veulent en finir avec tout, avec les droits du travail et sociaux".

"Ce sont des réactionnaires: ils arrivent au pouvoir avec une majorité absolue et pensent qu'ils peuvent tout commander", s'indigne Angel Velasco, 44 ans, cadre commercial qui a fait grève.

"On ne peut pas vivre avec l'avenir qu'ils nous préparent, avec des salaires de moins de 1.000 euros", dénonce Antonio Redondo, 57 ans, vendeur dans le secteur de l'alimentation.

"Ce gouvernement écrase constamment la classe moyenne: c'est du suicide politique", ajoute-t-il.

A vélo, avec des assemblées et même en appelant à faire une grande sieste en plein air, des manifestants issus du mouvement espagnol des "indignés" ont également participé, de manière décalée, à la grève générale.

"Nous sommes un mouvement alternatif, nous cherchons comment manifester de façon différente", a expliqué Pedro Navarro, un étudiant de 23 ans, en montant sur son vélo après un rassemblement organisé sur la place de la Puerta del Sol à midi.

© La Dernière Heure 2012



30/03/2012

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