La nébuleuse d'extrême-droite gagne du terrain en Europe

 

 

La nébuleuse d'extrême-droite gagne du terrain en Europe

 mai 2012

 

Les mouvements protestataires prospèrent à droite dans nombre de pays de l'UE. Terreau : la dénonciation de l'immigration extracommunautaire, bien plus que la crise économique.

 

Avant tout, il convient de briser une idée reçue: la crise économique n'a pas - sauf exceptions hongroise et peut-être grecque - suscité ou encouragé l'émergence de nouveaux extrémismes. Ni au Royaume-Uni, au printemps 2010, ni en Irlande, en mars 2011, ni en Espagne, en mars dernier, des partis d'extrême droite n'ont surgi lors des élections législatives.

 

Dans les trois cas, ce sont les formations de centre droit établies qui ont remporté la mise. C'est d'autant plus remarquable pour la démocratie ibérique que le taux de chômage atteint aujourd'hui un taux record de 24,4 %, et frappe jusqu'à 1 jeune sur 2. Si l'ascension du FN trouve un écho dans la vie politique du Vieux Continent, c'est plutôt donc dans cet enracinement d'un "national-populisme" aux mille facettes, mais qui s'implante sur le même terreau, celui de classes populaires qui remâchent la rancoeur de ce qu'elles considèrent comme une trahison des élites.

La désillusion des couches populaires

 

La corrélation entre immigration et hausse de l'insécurité a été le déclencheur de cette nouvelle forme de protestation. Aux Pays-Bas, Pim Fortuyn a été le premier à établir ce lien, longtemps nié par les partis traditionnels. Geert Wilders, en se proclamant champion des libertés face à la montée de l'islamisme radical, a su faire fructifier cet héritage, jusqu'à hisser sa formation, le Parti pour la liberté, en soutien indispensable à la coalition de droite au pouvoir à La Haye.

 

La coalition a éclaté le 21 avril. En Flandre, le Vlaams Belang, lui, aux origines plus douteuses, a été victime d'un strict "cordon sanitaire" de la part des autres partis et a vu son audience reculer au profit des indépendantistes de la Nouvelle Alliance flamande (NVA), qui prospère sur la dénonciation du "fardeau" budgétaire et social que représenterait pour la Flandre la Wallonie francophone. A cette famille, on pourrait aussi ajouter l'Union démocratique du centre suisse, isolationniste, anti-immigration et qui a fait passer, en 2010, un référendum pour le "renvoi des étrangers criminels".


Si en France Marine Le Pen courtise en Italie la Ligue du Nord - affectée par de récents scandales - et en Autriche le FPO, mouvement eurosceptique, anti-immigration et favorable à une préférence nationale pour les droits sociaux, la Française a coupé tout lien avec les groupuscules - l'ex-FN belge, dont elle a repris la marque - et interdit tout contact avec des mouvements fascistoïdes, voire antisémites, comme le Jobbik hongrois ou l'Aube dorée grecque.

 

Si le refus d'une immigration extra-européenne et la dénonciation des dangers de l'islam politique ont donné un nouveau socle à ces courants, en permettant même leur extension au Danemark (Parti populaire danois) ou en Norvège (Parti du progrès, première formation d'opposition), la question européenne a été instrumentalisée aussi dans le nord du continent. Le parti des "Finlandais de base" (improprement traduit par "Vrais Finlandais") a prospéré, notamment dans l'électorat populaire, sur la dénonciation de l'establishment social-démocrate et celle du risque de dérive vers une Europe fédérale. Mais son dirigeant, Timo Soini, a affirmé n'avoir "rien en commun" avec le FN. Son modèle serait plutôt du côté des conservateurs eurosceptiques anglais.

 

La désillusion des couches populaires européennes et leur adhésion à des mouvements protestataires expliquent en partie le recul des gauches de gouvernement en Europe depuis dix ans.

 

Dernier avatar, sur le mode bobo, de ce vote de défiance, l'ascension des Pirates, outre-Rhin, qui, si elle se confirmait en 2013, serait une divine surprise pour le centre droit d'Angela Merkel. Car elle a le potentiel de ruiner toute prétention de la gauche social-démocrate à prendre le contrôle de la chancellerie.

 

 

Par Jean-Michel Demetz, L'Express



13/05/2012

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