L austerite, sent le pave - Mille slogans, un seul message
«L austerite, sent le pave»
BRUXELLES - La manifestation nationale contre l’austérité a fait un carton: de 50.000 à 80.000 personnes mobilisées. Les syndicats ne comptent pas s’arrêter là.
Mieux que n’importe quel GPS, l’hélico de la police indique aimablement le chemin de la manif. Au sol, le fléchage des syndicalistes est plus rock’n’roll: pétards, sifflets et fumigènes. Rien que des valeurs sûres, comme le parcours Nord-Midi, qui est aux manifestations ce que le Tourmalet est au cyclisme.
9 h 30, gare du Nord. La banderole du front commun fait face au World Trade Center : Non à un pacte de compétitivité et d’austérité, oui à un pacte de solidarité.» La météo a choisi son camp : il a cessé de pleuvoir sur Bruxelles.
Près du podium, un gars très grand et très barbu patiente. Il attend une copine et sa prépension: la prépension d’ici à 2016 et la copine dans cinq minutes. Et il se réjouit de voir tout ce monde. Il n’y croyait qu’à moitié : «Tu sais que certains patrons offrent à boire pour la Saint-Éloi? Et puis, dans le train, j’entendais les gens.“Pourquoi manifester? On a un gouvernement. On n’est plus la honte de l’Europe”…»
Il est 10 heures. Les responsables syndicaux imposent une percée sonore au milieu des détonations (lire page 3). Puis, le cortège se met en marche.
«Le plus dangereux…»
Il y a toujours un cercueil, dans les manifs. Celui-ci est noir. Sur ses flancs, on peut lire «Sauvegarde du service public = mort du néolibéralisme.» Pablo est d’accord à 100 %. «Ils disent qu’ils ne vont pas toucher aux services publics, mais la chute de Dexia laisse un trou énorme pour les communes. Il va falloir le combler. Soit on met tout le poids sur les contribuables. Soit on assiste à une deuxième vague de privatisation. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus dangereux.»
Au croisement Jardin Botanique et Jacqmain, deux hommes observent la foule qui a pris possession des deux boulevards à angle droit. « On ne voit pas le bout. Y a 100 000 personnes… Au moins !»
Pralines et kebab
Place de Brouckère, des blouses blanches avancent bras dessus, bras dessous. Ils viennent des hôpitaux bruxellois. Eux, ce sont les exigences de flexibilité qui les minent. «Mais on est là aussi pour les mesures budgétaires. À Bruxelles, 20 % de la population n’a pas accès aux soins de base. La crise va s’accentuer. Ce sera pire encore», prévient Rob Reynders («rien à voir…»).
Boulevard Anspach, un Roumain assis entre un marchand de pralines et un kebab joue du violon sans désemparer, musique anéantie par la manif. Chloé le regarde en passant. Elle est étudiante. Et grecque. Le cortège la fait sourire. «Chez nous, 50 000 personnes, c’est une manif “de tous les jours”.Je trouve aussi que c’est un peu calme. Il y a plus de passion dans nos actions», dit-elle fièrement. Elle est là pour collecter des fonds pour les métallos de chez elle, en grève depuis cinq semaines.
«Agents socialement toxiques»
Pause casse-dalle à la Bourse : vin chaud, churros et tartiflette savoyarde. Une touriste japonaise prend la pose à côté d’un délégué Setca. Didier les dépasse à grandes enjambées. Il est venu seul à la manif. Il lève son calicot perso. « Les inégalités économiques sont des agents socialement toxiques.» Il détaille : «La Belgique n’a jamais été aussi riche depuis 1945. Pourtant, nos enfants vont devoir se serrer la ceinture toute leur vie.» Et manifester, ça change quoi ? « Ce qui est sûr, c’est que si on ne dit rien, les plus fragiles vont être bouffés. On peut être vaincu et soumis toute sa vie. En venant ici, je me sens… moins soumis.»
Boulevard du Midi, fin de parcours pour la tête du cortège. Il est 11 h 45. Deux gaillards allument un pétard sous une casserole. La gamelle s’envole à plus de 15 mètres. «Les casseroles sont vides et leurs comptes sont blindés!»
Pascale SERRET (L’avenir.net)
Mille slogans, un seul message
Dans la foule, des militants de tous secteurs ont affiché leur couleur syndicale mais aussi leur entreprise : bpost, Caterpillar, ArcelorMittal, Inbev, CMB, etc. « ArcelorMittal, arrête ton génocide social », « Austérité, ça sent le pavé », « Touche pas à l’index », « Chômeur profiteur ? Prends ma place ! », « Les jeunes au boulot, les vieux au repos ! », « Diminution de la TVA de 21 à 6 % sur le gaz, l’électricité et le mazout de chauffage, vite ! ! ! » ou encore « Jetez les responsables de la crise en prison»… Si les slogans étaient multiples, le message était clair : « Non à l’austérité ».
L’avenir.net