L’Allemagne propose un pacte de croissance pour l’Europe

 

 

 

L’Allemagne propose un pacte de croissance pour l’Europe

 

mercredi 23 mai 2012 lesoir.be

 

L’Allemagne propose, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, six pistes pour relancer la croissance en Europe, sans accroître les dépenses budgétaires.

 

Le spectre d’un retour de la crise de la dette hante de nouveau l’Europe. À cet égard, l’évolution de la situation ces derniers temps ne nous montre rien de nouveau : même si de premiers succès peuvent être constatés, nous n’avons pas encore définitivement surmonté la crise. La gérer n’est pas une question de mois, mais bien d’années, et il n’existe pas de raccourci.

 

Les hauts niveaux d’endettement accumulés au fil de nombreuses années sont, à côté du manque de compétitivité des pays en crise, les véritables causes de la crise économique et financière. Poursuivre systématiquement et durablement la consolidation des budgets est une condition préalable indispensable pour y remédier. C’est pourquoi le pacte budgétaire lui non plus ne doit pas être déficelé.

 

Cependant, la consolidation budgétaire n’est qu’un des deux piliers – la politique de croissance étant l’autre – sur lesquels s’appuient des économies fortes. Cela dit, la responsabilité d’une reprise de la croissance incombe avant tout aux États membres. Les réformes structurelles nationales doivent rétablir la compétitivité dont nous avons besoin pour relancer la croissance. Cela implique d’assurer la viabilité des systèmes de protection sociale, d’ouvrir davantage les marchés du travail aux jeunes en particulier, de supprimer le travail au noir et d’accorder la priorité à l’éducation, la science et la recherche.

 

Les pays d’Europe pris dans la tourmente de la crise financière ont d’ores et déjà adopté des réformes importantes. Nous sommes conscients du dur chemin que beaucoup doivent suivre à l’heure actuelle dans ces pays. Nous leur exprimons notre plus grand respect. Compte tenu d’une économie en partie fortement rétrécie et surtout d’un taux de chômage inquiétant chez les jeunes, les réformes actuellement amorcées sont la seule chance de remettre durablement le cap sur la croissance. Certes, attendre que ces réformes produisent leurs effets exige de la patience. Mais leur réussite sera alors d’autant plus affirmée. Nous le savons pour en avoir fait l’expérience en Pologne, dans les États baltes et aussi et surtout en Allemagne.

 

Au niveau européen aussi, nous devons miser encore davantage sur la croissance. En complément du pacte budgétaire, nous voulons donc adopter un pacte de croissance afin de stimuler la compétitivité. Un pacte de croissance européen devrait comporter les six points suivants :

 

Premièrement, orienter systématiquement le budget de l’UE vers la croissance.

 

Qui souhaiterait relancer la conjoncture à court terme à l’aide de programmes de dépenses financés par des dettes n’a rien appris des expériences dramatiques de la crise. L’Union européenne ne doit pas dépenser davantage, elle doit au contraire mieux investir ses ressources. L’argent qui permettra de financer les missions d’avenir est là.

 

En effet, l’Union européenne négocie ces mois-ci le cadre financier des budgets de l’UE pour les années 2014 à 2020. Un volume de mille milliards d’euros est prévu. Nous devrions nous concentrer pour cibler cette somme énorme sur la croissance et l’emploi, l’innovation et la compétitivité. Par ailleurs, l’affectation des fonds doit être mieux contrôlée et liée à des critères mesurables. Pour chaque euro dépensé sur le budget de l’UE, il convient de justifier l’emploi efficace de ces fonds.

 

Deuxièmement, activer les fonds de l’UE inutilisés.

 

Sur les fonds structurels et de cohésion de l’exercice budgétaire en cours, il reste environ 80 milliards d’euros qui ne sont pas affectés à des projets concrets. De concert avec les États membres, la Commission européenne doit maintenant investir ces ressources rapidement et efficacement dans une croissance renouvelée grâce à une compétitivité renforcée.

 

Troisièmement : améliorer l’accès aux capitaux d’investissement.

 

Dans certains pays, nous constatons que même si les gouvernements ont opté pour le bon chemin, le secteur bancaire ne peut jouer pleinement son rôle dans l’économie nationale en raison de la charge des crédits toxiques. C’est pourquoi les entreprises ne sont pas en mesure de procéder à des investissements raisonnables stimulant la croissance. Grâce à la Banque européenne d’investissement, nous disposons d’un instrument que nous pouvons, et devrions, utiliser davantage et de manière plus ciblée afin d’améliorer précisément l’accès des petites et moyennes entreprises au crédit.

 

Quatrièmement, encourager les projets d’infrastructures.

 

Le « circuit » ralenti du secteur bancaire pose également un problème pour les grands projets d’infrastructures européens. Nos routes et voies ferrées, nos réseaux d’énergie et de télécommunication font partie des grands atouts de l’économie européenne. Ils sont un fondement important de notre niveau de vie qui ne peut être assuré que dans une Europe poursuivant son unification.

 

Les infrastructures ultramodernes ouvrent de nouvelles perspectives de croissance en rendant les investissements du secteur privé plus attrayants. Concernant le développement transfrontalier des infrastructures européennes, nous devons mobiliser des capitaux privés et explorer des voies innovantes de partenariats public-privé.

 

Cinquièmement, parachever le marché intérieur européen.

 

D’énormes forces de croissance avaient déjà été dégagées dans les années 1980-90 grâce à la réalisation desdites « quatre libertés ». Aujourd’hui, l’extension du marché intérieur à de nouveaux domaines fournit de nouveau de belles opportunités, notamment dans les domaines de l’économie numérique et du commerce électronique. Cela concerne le secteur de l’énergie et vise à renforcer les PME en simplifiant les formalités administratives et en améliorant l’accès de ces entreprises aux capitaux à risques. Pour plus de croissance, nous devons également renforcer la mobilité transfrontalière en Europe. Les perspectives d’emploi et, par conséquent, d’avenir pour les jeunes doivent être clairement prioritaires.

 

Sixièmement, renforcer le libre-échange.

 

Les trois quarts de l’économie mondiale se situent à l’extérieur de l’Union européenne. Plus de 80 pour cent de la croissance mondiale sont actuellement produits en dehors de l’Union européenne. L’UE doit veiller à ce que le cycle de Doha aboutisse, tout en concluant de nouveaux accords de libre-échange avec les anciens et les nouveaux centres de pouvoir de la planète.

 

Tout cela montre qu’il est possible de créer la croissance sans contracter de nouvelles dettes. Un nouveau pacte de croissance devrait être présenté dès le Conseil européen du mois de juin prochain. Mais ne nous faisons pas d’illusions ! Le chemin pour sortir de la crise sera long.

 

Toutefois, si nous progressons systématiquement dans la consolidation budgétaire et les réformes et que nous usons avec créativité de notre potentiel afin de donner des impulsions à la croissance également à court terme, l’Europe entière sortira de la crise plus forte économiquement et plus saine qu’auparavant. L’Europe doit se montrer solidaire pour surmonter la crise. Il nous faut avoir la ferme volonté de nous affirmer en tant que communauté culturelle européenne à l’ère de la mondialisation.

 

 

Guido Westerwelle, ministre allemand des Affaires étrangères

 



23/05/2012

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