Le 2 février dernier, les ministres des finances de la zone euro ont signé la nouvelle mouture du traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité. Qu’en est-il de cette révision ? Quels sont les changements apportés ? Vont-ils dans le sens des revendications exprimées dans notre précédent article sur le MES ?
Malheureusement, la nouvelle version du traité ne prend pas en compte les nombreuses critiques formulées par les peuples de différents pays |1| depuis l’approbation du premier traité en juillet 2011. Différents changements ont pourtant été apportés au texte. Certains auxquels on s’attendait suite aux informations circulant sur la toile, comme la date d’entrée en vigueur anticipée d’un an (juillet 2012 au lieu de juillet 2013), et d’autres encore plus lourds de sens, comme ceux exposés ci-dessous |2|.
Renforcement des conditions d’accès à l ‘ « assistance »
Un nouveau paragraphe |3| particulièrement important est venu grossir l’introduction du traité et durcit les conditions préalables d’accès au MES. Désormais, pour pouvoir bénéficier de son « assistance », les États devront d’abord avoir ratifié le fameux Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance au sein de l’Union Économique et Monétaire (TSCG – adoption formelle prévue au prochain sommet européen, début mars) incluant la règle d’équilibre budgétaire. Selon cette « règle d’or », le déficit structurel ne pourra pas excéder 0,5% du PIB. Le TSCG prévoit le devoir de transposer cette règle dans les législations nationales, si possible au niveau constitutionnel.
Participation du secteur privé et collaboration avec le FMI
Un autre paragraphe |4| ajouté à l’introduction prévoit une participation du secteur privé « dans des cas exceptionnels ». Les liens étroits avec le Fonds Monétaire International déjà présents dans le texte original se resserrent ainsi encore un peu plus dans cette version révisée.
Abandon de l’unanimité au profit de la décision à la majorité
Alors que le texte original prévoyait la prise des décisions importantes d’un commun accord, à savoir à l’unanimité des personnes présentes avec un quorum de 2/3, les dirigeants européens ont dorénavant instauré une procédure de vote d’urgence|5| requérant une majorité de 85 %. Il est important de savoir que cette clause d’urgence concerne les décisions les plus importantes : l’autorisation de l’assistance, les instruments, les montants, les conditions et l’accord d’un mandat à la Commission Européenne pour la négociation des conditions d’une assistance. L’urgence est déclarée par la Commission et la BCE pour éviter que l’un des États signataires puisse systématiquement bloquer ces décisions cruciales. Cependant, cette procédure d’urgence limite principalement la capacité de blocage des petites économies et favorise les États qui ont apporté la contribution la plus importante. Vu leur apport de fonds |6|, l’Allemagne, la France et l’Italie seront ainsi les seules en mesure de s’opposer aux décisions en toutes circonstances.
Intégration des outils de la Facilité Européenne de Stabilité Financière (FESF)
La FESF comportait plusieurs instruments non repris dans le premier traité désormais inclus dans la nouvelle mouture. L’intervention du MES peut maintenant prendre des formes plus variées au travers de l’ajout des programmes de précaution |7|, de l’assistance pour la recapitalisation des institutions financières |8| ainsi que de la possibilité d’intervention sur le marché secondaire |9| .
Une structure des prêts aux mains des gouverneurs
L’annexe 3 « politique tarifaire » de l’ancienne version qui détaillait la structure des prêts accordés par le MES a disparu. Elle est remplacée par l’article 20 |10|. Le pouvoir de définir cette structure y revient au Conseil des gouverneurs habilité à négocier les conditions de prêts pour chaque demande d’assistance.
Possibilité de paiement anticipé du capital
Depuis le début, le capital du MES comprend deux volets bien distincts : d’une part, 700 milliards d’euros de capital garanti et, d’autre part, 80 milliards d’euros de capital libéré. Comme son nom l’indique, le capital garanti n’est pas versé directement par les États lors du lancement du MES. Il s’agit bien de garanties qui devront être déboursées en cas de défaut de remboursement de la part d’un État « assisté » par le MES. Le capital libéré, par contre, doit être versé par les États signataires du traité instituant le MES. Chaque État devra donc verser sa contribution au capital libéré en 5 tranches annuelles (c.-à-d. 20 % par an).
Le changement réside ici dans la possibilité de paiement anticipé |11| de ce capital libéré initial. Cette nouveauté, pouvant paraître anodine à première vue, ouvre malheureusement la voie à d’éventuelles pressions sur les États en crise pour qu’ils règlent plus rapidement leur contribution au capital libéré initial. Le déboursement de ces fonds aura pour effet direct de creuser encore davantage leur déficit budgétaire.
Dans les mois à venir et avant l’entrée en vigueur de ce nouveau traité, les dirigeants européens se réuniront pour débattre de l’adéquation de la capacité de prêt de la FESF et du MES. Les montants repris dans le texte actuel peuvent donc encore changer.
De façon générale, on ne peut que déplorer le caractère soi-disant curatif et non préventif de cette démarche des Européens vendue comme un remède à la crise. Aucun changement structurel à l’ordre du jour, aucune limitation du pouvoir du monde financier : comment croire que ce traité apportera une solution aux problèmes actuels ?
Que faire face à un tel constat ? Agir en montrant à nos dirigeants que nous sommes là et qu’ils doivent nous rendre des comptes sur leurs décisions d’élus. Participez à l’une des campagnes d’interpellation citoyenne lancée dans différents pays ! En Belgique, le CADTM apporte son soutien à l’initiative citoyenne en mettant à disposition un outil d’interpellation en ligne et des ressources sur le site : http://www.interpellation-mes.be Si aucune initiative de ce genre n’existe dans votre pays, n’hésitez pas à lancer votre propre action le plus rapidement possible !