Il est triste, le manque de solidarité

 

Il est triste, le manque de solidarité

 
via Lakshmi Mittal (Arcelor) vers un "Génocide industriel"
 
lejeudi.lu
 
 

L'automne dernier, j’étais l’invité des Florangeois.

 

 

Je les savais en détresse. Je les savais en lutte. Moi, je venais avec mes poèmes et mes romans, avec ma fiction, eux affrontaient la dure réalité d’une crise concrète leur volant leur travail et leur pain. Mais je me sentais à l’aise dans leur petite ville à un jet de pierre d’ici. Je savais qu’il siégeait chez nous, au Grand-Duché, le mastodonte économique qui les volait. Je savais qu’il sévissait également ici. Je savais que, s’il avait fait main basse sur son rival industriel le plus dangereux qu’était feu Arcelor, c’était non pour le faire fleurir mais pour le briser.


Ainsi va le monde du capitalisme sauvage. Non seulement il détruit des destins populaires, mais il sévit également dans ses propres rangs, où la concurrence fait rage et nourrit la soif de régner en maître absolu.


Quand le clan Mittal a donc lorgné du côté des barons de l’acier de nos contrées, ce qu’il avait en vue, c’était l’anéantissement d’un rival encombrant. Avec la complicité de l’Etat, qui, comme lui, savait que telle était la destinée de la sidérurgie d’ici, il a avalé d’une seule bouchée les fleurons luxembourgeois, français, espagnols, belges… Non pour les ajouter à son empire, mais pour les réduire à néant, puisque les acquis du mouvement syndical garantissaient, dans nos contrées, des salaires plus dignes que ceux payés ailleurs. Et promettaient donc moins de profits.


Nos Etats, au lieu de déjouer les appétits du colosse venu d’Inde, ont déroulé un tapis rouge devant ses pieds. Lui s’est contenté de s’y essuyer les pieds.


Voilà un exemple classique de bradage de biens nationaux. Maintenant que la casse est en marche, s’ils savaient pleurer, les responsables politiques qui l’ont permise n’auraient plus que leurs larmes pour protester. Ils pourraient encore, si vraiment le sort des salariés les intéressait, frapper un coup fort sur la table, et reprendre tout simplement les usines lâchées il y a quelques années. Non, ils laissent Mittal détruire une à une les unités de production, et ne clignent même pas de l’œil quand ce dernier distribue de juteux dividendes à ses fidèles actionnaires.


Le mouvement devrait sauter aux yeux: d’un côté, on prend des poches des salariés le peu d’argent qui y reste, de l’autre, on le verse dans celles des actionnaires.


C’est la froide loi du capitalisme. Elle a phagocyté les cerveaux de la sphère politique, qui, chaque fois, donne sa bénédiction. Elle a, chez nous, également paralysé la riposte syndicale, qui, toute moue, ferme les yeux et bénit elle aussi la casse.


Il en va autrement à un jet de pierre d’ici. A Florange. Depuis que le baron de l’acier y sévit, la ville est entrée en résistance. Elle a même réussi à forcer les deux candidats à la présidentielle française à faire un détour dans leur campagne pour venir promettre un avenir meilleur aux sidérurgistes lorrains.


Ces derniers, on l’a vu, ne se sont pas laissé prendre au jeu des promesses. Ils savent bien ce qu’elles valent, les promesses.


C’est pour cela qu’ils ne baissent pas les bras de la lutte. C’est pour cela qu’ils ont fait le siège du siège d’ArcelorMittal à Luxembourg mardi dernier.


Et cela me fait revenir à mon propos initial sur la littérature. Car, alors que moi j’étais l’invité de la Ville de Florange en lutte, je me suis senti tout proche de la détresse qui y régnait. Et lors d’une soirée mémorable, à la Passerelle, ayant pris l’allure non d’une lecture littéraire mais d’un meeting politique, j’ai vu les Florangeois venir vers moi pour me raconter leur désarroi.


Or, ici, chez nous, devant le siège d’ArcelorMittal, aucun syndicaliste d’ici n’est venu montrer sa solidarité avec ses collègues qui, à un jet de pierre, tentent de freiner la voracité de leur patron commun. Comme si la lutte des Florangeois n’était que leur affaire.


Le grand patron, lui, s’en frotte les mains. En jouant avec l’existence d’êtres humains qui pourtant ne demandent qu’à travailler pour faire vivre leur famille. Et nos syndicalistes d’ici qui trahissent la solidarité… C’est triste.


Jean Portante



11/05/2012

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