ArcelorMittal John David, symbole du ras-le-bol (photos / sous-titres)

 

 

Un sidérurgiste prévenu en vaut deux, sauf qu'il n'y a jamais

eu de somation! Nous au moins on nous entend arriver messieurs.   

 

(Cette photo illustre ce jour-là, l'état d'esprit de ces gens en armure bleu auquel l'État a octroyé par erreur, distraction impardonnable, un badge qui devrait signifier "protection du citoyen" donc aussi des travailleurs. Sauf erreur de ma part, le danger provenait sans contestation du bruit de bottes et de l'autre bout du canon du fusil !)

 

Ho le méchant métallo que voilà, il en faut bien deux gentils bleus pour le mettre à terre l'empêcher de respirer et comme c'est ballot, on n'a pas le reste des photos... qui sait quatre uniformes dans le panier et six badges dans le commissariat et huit élus au parquet et... la table de deux le compte n'est sans doute pas bon à vous de faire le reste:

 

EN CHANSON


 si vous voulez: et le nez et le nez et les pieds et les pieds. HAHAHAHAHA (on reprend en choeur): Métallllo-O-O, méchant métallo. Métallllo-O-O je te plumerai, je te plumerai, et le nez et le nez et et l'boulot et l'boulot jusqu'au os, jusqu'au os, HAHAHAHA

(allez chers actionnaires de Mittal, député à l'europe soyez pas timide on reprend tous en choeur): et le nez et le nez et les pieds et les pieds. HAHAHAHAHA (on reprend en choeur): Métallllo-O-O, méchant métallo. Métallllo-O-O je te plumerai, je te plumerai, et le nez et le nez et et l'boulot et l'boulot jusqu'au os, jusqu'au os, HAHAHAHA


Bon à vous d'inventer la suite collègue d'infortune ou fortuné de la pègre, pas besoin de beaucoup d'imagination pour celles et ceux qui ont connu les manifestations et celle-là en particulier, faut juste essayer de faire rimer les pieds (allez, un peu d'humour dans leur monde de brutes)

 

Nerfs d'Acier



 

Nous t'avons vu au sol... dans les premiers instants comment imaginer que tu avais été si durement touché. Ce jour-là nous avons vécu un enfer. Gazé, traqué comme nous ne l'avions pas mérité. De mémoire de manifestante jamais je n'avais vu pareille inhumanité, tire contre nous quasi à bout portant. Même en ricochet ça fait un mal de chien. Que vous soyez pacifiste ou non n'y changeait rien, à l'aveugle, à l'ordre stupide bête et méchant, les hommes en armure bleus, face à nos foulards se sont amusé sur des cibles encerclées par leur soin. John David, je te souhaite le meilleur et plus encore. Avec tout mon respect camarade.

 

 

 

 


 

Grand angle Blessé à l’œil lors d’une manifestation à Strasbourg, le jeune sidérurgiste incarne malgré lui la révolte des métallos de Liège, confrontés à une énième restructuration.

 

Par MICHEL HENRY Envoyé spécial à Liège (Belgique)

Libération
 
 
L’amour d’une usine, il faut être né près d’un haut-fourneau pour le comprendre. Pour John David, 25 ans, natif de la région de Liège, en Belgique, il est naturel et «remonte à loin». Enfant, il entendait de chez lui les hauts-fourneaux dégazer et a toujours été «curieux de savoir ce qu’il y avait dedans». Quand il a fallu trouver un boulot, à 19 ans, il n’a pas hésité et ses parents, aides-soignants, ont «approuvé» : ce serait la sidérurgie. «Je savais que ça n’allait pas fort, mais c’était un choix. Si c’était à refaire, je le referais.»


D’abord ouvrier polyvalent dans la mécanique industrielle chez un sous-traitant d’ArcelorMittal, il est, depuis deux ans, intérimaire chez le sidérurgiste, «opérateur de production». La sidérurgie, c’est «comme une deuxième famille» : «Le contact humain, c’est fort.» Mais la sidérurgie, c’est la colère et la rage aussi, contre Lakshmi Mittal. Le 24 janvier, l’industriel indien a décidé de fermer sept des douze lignes de l’activité «à froid» (celle qui change la forme des barres d’acier) de Liège : 1 300 emplois supprimés à terme. En octobre 2011, ArcelorMittal avait déjà annoncé la fermeture de la phase «à chaud» (les hauts-fourneaux qui produisent la fonte et les aciéries qui la transforment en acier), supprimant à terme 800 emplois. Au final, il ne restera à Liège que 800 salariés - six fois moins qu’en 2005 - et des milliers d’emplois indirects seront perdus.

 

«Désert économique»

 

«Il n’a pas le droit de foutre autant de monde dans la merde ! s’insurge John David. Il ferme des usines rentables et met des régions entières dans la désolation. De plus en plus de chômeurs et de moins en moins d’entreprises : ça va devenir un désert économique. Ce n’est pas Mittal qui connaîtra les fins de mois difficiles. Les seules tartines qu’il mange, c’est du caviar.» Alors, les manifs, le jeune Belge en est, casque de fondeur sur la tête, visière baissée et tablier ignifugé. A Namur, le 29 janvier, il y a des heurts, violents. «On s’étonne que les gens soient nerveux. Mais il y a des raisons, non ?» explique John David. Le 6 février, il va à Strasbourg pour la manif européenne contre la politique de Mittal. Les cars qui affluent de Belgique, de Florange (Moselle) et du Luxembourg sont interpelléssur l’autoroute avant la capitale alsacienne. Les flics fouillent, saisissent des boulons, des gros pétards, des fumigènes, deux bonbonnes de gaz. «Les agriculteurs viennent avec leurs tracteurs, les métallos descendent dans la rue avec ce qu’ils ont sous la main, dit l’un d’eux. On n’est pas une fabrique de chocolat.»


Les gars sont énervés par tous ces contrôles, comme les policiers et gendarmes qui les accueillent à Strasbourg et veulent les empêcher d’approcher du Parlement européen, où des représentants syndicaux rencontrent des élus. Alors que la confrontation dégénère, à 14 h 15, autour de la station de tramway Wacken, John David se baisse pour repousser une cartouche de gaz lacrymogène. Il ne voit pas d’où vient le tir qui lui transperce l’œil. Il ressent juste une douleur, intense. «Dès qu’il y a eu l’impact, j’ai su que l’œil était définitivement perdu. C’était tellement violent.»


Pour les syndicalistes, le jeune métallo a été atteint par le tir d’un lanceur de balles de défense (LBD), ces armes à balles souples de forte puissance, dont on connaît surtout les flash-balls. John David a porté plainte. L’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’IGGN (son homologue pour la gendarmerie) mènent des enquêtes. D’après le parquet de Strasbourg, les premiers éléments mettent les forces de l’ordre hors de cause : «Selon les vidéos et photos dont nous disposons, le tir qui a blessé John David semble provenir plutôt du rang des manifestants», sans qu’on n’en identifie l’auteur. Pour le parquet, ce serait «peut-être un pétard ou un boulon qui lui a arraché son casque de protection et l’a brisé». Une photo ferait voir «quelque chose de lumineux qui lui arrache le casque» et c’est «la brisure qui l’a énucléé», assure ce magistrat : «Selon le rapport ophtalmologique, ce n’est pas un projectile qui touche l’œil. Il a été coupé par un élément de protection comme la visière du casque.» John David portait aussi des lunettes de protection, également brisées.

 

«Reçus comme des terroristes»

 

Comme le Canard enchaîné l’a révélé, le parquet considère que l’hypothèse d’un tir de LBD est «quasiment exclue». Gendarmes et policiers soutiennent que, sur les quatre tirs de LBD réalisés, aucun n’a visé John David. Les gendarmes mobiles - un escadron de Bourg-Saint-Andéol (Ardèche) - ont procédé à un tir «ciblé sur une personne qui avait lancé un pavé de 8,6 kilos sur un adjudant, qui l’a pris sur le casque», assure le parquet. Mais cette personne, «touchée à l’estomac, n’était pas John David». Quant aux policiers strasbourgeois, ils ont opéré trois tirs de LBD, «chaque fois contre une personne lançant des projectiles, et à chaque fois le tireur a pu identifier sur qui il a tiré : jamais John David n’a été visé». Selon ce magistrat, le métallo belge est vu sur les films et vidéos tournés par des policiers et des gendarmes, ou saisis auprès de télévisions, comme «n’ayant pas tiré de projectile».


L’enquête préliminaire se poursuit, dans l’attente des rapports définitifs de l’IGGN et de l’IGPN, dont on sait qu’ils seront sujets à caution puisque menés par la police sur la police, et par la gendarmerie sur la gendarmerie. Pour le parquet, les consignes initiales de maintien de l’ordre «tendaient à la modération vis-à-vis de personnes ayant perdu leur emploi», mais les services de renseignements avaient mis en garde sur leur «capacité de nuisance» depuis les incidents de Namur, une semaine plus tôt. «Ils sont venus pour casser, assure un magistrat. Dès qu’ils ont eu un blessé, ils ont mis en cause les flash-balls. C’est un peu hâtif.» Les manifestants ont eu l’impression inverse, celle d’être tombés dans un piège, avec des forces de l’ordre très agressives. «On a été reçus comme des terroristes», s’indigne un responsable syndical belge.

 

Après quelques jours d’hospitalisation à Strasbourg, John David est retourné en Belgique où il reçoit des soins ophtalmologiques trois fois par jour. La Fédération générale du travail de Belgique (FGTB) l’entoure de sa solidarité. «C’est un joli nom, Camarade», clame une affiche au siège du syndicat, reprenant la chanson de Jean Ferrat. John David, colosse souriant et dynamique, «est devenu malgré lui un symbole», relève Robert Rouzeeuw, 53 ans, celui d’une lente «descente aux enfers», ajoute-t-il.

 

Pour le président de la FGTB Liège, «voilà dix ans que les gens sont usés». En 2003, Arcelor a fermé le chaud. Puis Mittal, arrivé aux manettes en 2006, a «remis de l’espoir» en annonçant son redémarrage. Hélas, l’espoir n’a pas duré. «Mittal était un peu juste dans la production d’acier, alors pendant six mois on en a refait. Dès que la crise a redémarré, il a fermé les hauts-fourneaux.» Pour Robert Rouzeeuw, les gens sont «rongés de l’intérieur» : «Quand on est comme nous dans le couloir de la mort, des super-ouvriers peuvent devenir de super-guerriers… C’est un travail de colosse pour les maintenir dans un calme relatif.»


S’appuyant sur un rapport Syndex de mai 2012, les syndicalistes pensent qu’ils sont «toujours rentables». Ils rêvent d’un système à la sarroise : dans ce Land allemand, la sidérurgie a subsisté grâce à un système de cogestion patronat-syndicat et avec Mittal comme simple actionnaire minoritaire. Mais à Liège, la situation est plus complexe. Selon un précédent rapport, contesté, publié en janvier 2012 par le consultant parisien Laplace Conseil, la sidérurgie liégeoise (ex-Usinor et Cockerill) n’est pas seulement victime d’un Mittal qui, très endetté après des rachats tous azimuts, réduit ses sites de production et privilégie sa division minière, plus rentable. Elle paye aussi quarante ans d’«attitude suicidaire» des acteurs locaux : syndicats intransigeants et divisés, patrons et actionnaires multipliant les mauvais choix et politiques manquant de vision.

 

«Monter les gens les uns contre les autres»

 

«Les Liégeois ont été trop têtus, trop querelleurs, trop divisés, trop conservateurs et, en fin de compte, trop bêtes pour sauver leur héritage sidérurgique du naufrage. Cet héritage datait de 1825», cingle le rapport. Les investissements nécessaires n’ont pas eu lieu, d’où un coût de production réputé plus élevé à Liège qu’ailleurs. «Il faudrait au moins un milliard d’euros pour reconstruire une sidérurgie à chaud compétitive», affirme le rapport, mais «aucun investisseur privé ne prendrait le risque d’investir […] alors que le marché est déjà surcapacitaire». Les deux rapports s’accordent à dire que le froid pourrait être rentable - à condition de trouver les centaines de millions nécessaires pour y investir. Mais Mittal préfère favoriser ses autres usines de Gand (Belgique), Dunkerque (Nord) ou Brême (Allemagne). «Il met ses sites en concurrence, déplore Robert Rouzeeuw. Liège est la première victime de cette stratégie qui consiste à monter les gens les uns contre les autres. Mais une fois qu’une décision est prise ici, elle arrive six mois plus tard à Florange.»


Pour éviter la «mise à mort» qu’ils dénoncent dans tous les tracts, les Liégeois ont évoqué plusieurs pistes : nationalisation, aides publiques, copie du modèle sarrois, expropriation de Mittal… Sans succès, d’où le pessimisme. «Je ne sais pas où on va et on ne sait plus où on est, soupire John David. On nous baratine tellement.» Pour lui, les politiques restent des «naïfs» face à Mittal : «Ils auraient dû le voir venir. Mais pour bouger, il leur faut des morts.» John David soupire : «On a besoin de travailler. On dit les métallos ceci, les métallos cela. Mais si on les laisse dans les usines à travailler, on ne les verra pas dans la rue. Les gens en ont marre qu’on joue avec eux.»


 

 



09/05/2013

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