Après l'attaque en règle du président de la République contre "les corps intermédiaires" accusés de trahir la confiance des salariés, les ouvriers d'ArcelorMittal à Florange scrutent attentivement l'attitude de Nicolas Sarkozy. "Lors de sa rencontre avec la délégation de Peugeot, il a bien pris le temps de serrer la main de l'élu CFDT. Il essaie sans doute de réparer l'image désastreuse qu'il a donnée", analyse, lundi 16 avril, Frédéric Weber de la CFDT Florange.
A sept jours du premier tour de la présidentielle, la situation reste inchangée à l'aciérie où les sidérurgistes se battent contre la fermeture des deux derniers hauts-fourneaux de Lorraine. Depuis plusieurs semaines, ils attendent vainement une rencontre avec un responsable du groupe ArcelorMittal, "pour voir l'avenir". Deux mois d'un rude conflit n'y ont rien changé.
"Monologue social"
L'intersyndicale FO-CGT-CFDT avait levé le blocage des voies ferrées du site après l'annonce de la venue de Robrecht Himpe, directeur général de la division Acier plat d'ArcelorMittal en Europe : promesse non tenue. "La direction dit qu'elle veut le dialogue, qu'elle le prouve. Pour le moment, on est dans le monologue social", estime Frédéric Weber.
Plainte pour menaces de mort, interdiction de manifester devant les entrées de l'usine : pas de rencontre avec un décideur mais un glissement progressif vers le rapport de force. "ArcelorMittal cherche à nous abattre tout en faisant peur aux autres salariés", a expliqué l'emblématique syndicaliste du conflit à l'issue de son audition au commissariat de Thionville, vendredi 13 avril. Il était interrogé dans le cadre de la plainte pour "menaces de mort" d'un membre du service de sécurité de l'usine. En attendant de savoir si le parquet décidera de poursuivre ou de classer l'affaire, les syndicats se réservent la possibilité de porter plainte à leur tour, pour propos calomnieux. "Oui, il y a eu échange viril mais non il n'y a pas eu de menace. Le refus de dialogue de la direction envenime la situation", constate Frédéric Weber.
"Irréductibles gaulois"
Alors que l'élection approche, l'attention s'éloigne un peu de Florange. "Notre combat ira au-delà du 6 mai", rappelle l'intersyndicale. Un "village" s'installe ce lundi devant les "grands bureaux" où travaillent les cadres du site, un "village d'irréductibles gaulois". Les ArcelorMittal veulent tenir le terrain et poursuivre les échanges et les discussions. Ils attendent la visite de personnalités sur cette installation prévue pour durer une dizaine de jours.
Parmi les personnalités attendues, l'intersyndicale n'est pas peu fière de compter Zebda qui sera en concert à Florange, jeudi 19 avril, au centre culturel la Passerelle. Le groupe toulousain a déjà participé au concert des marcheurs d'ArcelorMittal au Trocadéro à Paris : "Ils nous soutiennent depuis des semaines", rappelle l'intersyndicale.
"Les Français décideront"
Les soutiens sont aussi politiques. François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou : les candidats à la présidentielle se sont succédés sur le site. "Bayrou en a parlé mais on l'attend encore. S'il vient, il faut qu'il arrive avec des propositions précises", prévient-on à Florange. Côté UMP, le président-candidat reste campé sur son annonce de 17 millions d'euros pour Florange. 17 millions dont les syndicats précisent que seulement 2 concernent le redémarrage du haut-fourneau et qu'ils sont programmés depuis septembre.
"Oui, l'élection est importante mais ce n'est qu'une étape. Quel que soit le candidat élu, on saura lui rappeler son engagement et ses propos tenus à Florange. Ce sont les Français qui décideront", explique Frédéric Weber. Les Français décideront, ce qui n'empêche pas certains à Florange de préciser qu'ils jugent encourageant l'engagement de François Hollande de déposer une proposition de loi visant à empêcher la fermeture d'une usine rentable.
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