Dossier presse: Vote de colère en Grèce, au risque d'une sortie de l'euro
Vote de colère en Grèce,
au risque d'une sortie de l'euro
Les élections en Grèce voit la bipolarisation de la politique grecque a volé en éclats, avec une percée de la gauche radicale. Le plan européen de sauvetage est directement visé.
Exaspérés par la récession et l'austérité, les électeurs grecs ont lourdement sanctionné dimanche les deux grands partis, Nouvelle démocratie (ND, droite) et le Parti socialiste (Pasok), et offert à la gauche radicale une percée spectaculaire au risque de relancer la crise de la dette et les interrogations sur le maintien de leur pays dans la zone euro.
Antonis Samaras, dont le parti Nouvelle démocratie est arrivé en tête avec moins de 20% des suffrages, s'est dit prêt à former un « gouvernement de salut national », mais sa tâche va être très compliquée du fait de l'émiettement des voix et de la percée de la Coalition de la gauche radicale (Syriza).
Ce parti résolument hostile aux plan européens de sauvetage et à la politique d'austérité qui les accompagne a créé la grande surprise en prenant la deuxième place.
Autre indice de l'ampleur de la colère populaire, l'émergence d'un nouveau parti anti-immigrés et anti-Europe, Aube dorée, qui est créditée de près de 7% -assez pour entrer à l'assemblée. Ce sera la première fois depuis la chute du régime des colonels, en 1974, qu'une formation ultranationaliste siège au Parlement du pays berceau de la démocratie occidentale .
Au total, Nouvelle démocratie et le Pasok, qui avaient cumulé en 2009 77% des suffrages exprimés lors des précédentes législatives, pèsent à peine plus de 32% et n'obtiennent que 150 des 300 sièges du Parlement, à une voix de la majorité absolue.
Les socialistes, qui avaient obtenu 44% des voix en 2009, s'effondrent à 13,3%, devancés par la Coalition de la gauche radicale, qui passe elle de 5% à peine à 16,67%.
« Qu'aucun parti n'ait obtenu plus de 20% des voix est incroyable. C'est vraiment sans précédent », souligne Othon Anastasakis, directeur des études sur l'Europe du Sud-Est à l'université d'Oxford.
« Le paysage tout entier devient bien plus imprévisible. On ignore s'il y aura une coalition et, s'il y en a une, combien de temps elle tiendra. »
« UN VOTE ANTI-MERKEL »
Antonis Samaras a annoncé qu'il était « prêt à assumer la responsabilité de former un gouvernement de salut national poursuivant deux objectifs: maintenir la Grèce au sein de la zone euro et peaufiner la politique de renflouement afin de créer de la croissance et de soulager la société grecque ».
Le président Karolos Papoulias devrait lui confier lundi la difficile mission de négocier un accord de gouvernement et former dans les trois jours un gouvernement de coalition avec d'autres partis.
S'il échouait, la Coalition de la gauche radicale puis le Pasok seraient amenés à tenter leur chance. Un nouvel échec conduirait le président à nommer un gouvernement intégrant toutes les forces politiques parlementaires chargé d'expédier les affaires courantes et d'organiser de nouvelles élections.
Conservateurs et socialistes, qui dirigent alternativement le pays le retour de la démocratie, ont payé leur soutien à la cure d'austérité draconienne suivie depuis début 2010 en échange d'une aide financière internationale.
Cette politique, présentée comme nécessaire pour éviter la faillite à la Grèce, s'est traduite par une profonde récession, une explosion du chômage, et des salaires et des retraites rabotés. (voir
« Je ne peux plus accepter que nous vivions comme des mendiants dans notre propre pays. La Coalition de la gauche peut les secouer et les réveiller », déclare Kate Savidou, retraité de 65 ans qui votait jusque là pour le Pasok.
Reconnaissant que son parti avait payé le prix fort de la crise économique, le chef de file du Pasok, Evangelos Venizelos, a lancé un appel à un gouvernement d'unité nationale composé de formations soutenant le plan de renflouement qui a évité à la Grèce la faillite.
« Même si les deux grands partis parviennent au final à obtenir une majorité, le grand enseignement est plus important: c'est un vote anti-Merkel », avance Riccardo Designori, analyste financier chez Brown Editore, à Milan.
« Les peuples d'Europe en ont assez des sévères mesures d'austérité imposées par les dirigeants allemands, et cela pourrait marquer un tournant », ajoute-t-il.
« REMPLACER LES MESURES BARBARES DES PLANS DE RENFLOUEMENT »
Grand vainqueur de ce scrutin, Alexis Tsipras, le plus jeune chef d'un parti politique grec -il a 37 ans -a appelé à la formation d'une coalition hostile aux conditions fixées par les bailleurs de fonds de la Grèce -Union européenne, FMI et Banque centrale européenne -en échange de leur aide financière.
« Mme Merkel doit comprendre que la politique d'austérité vient de subir une immense défaite », a-t-il dit.
« Par leur vote, les électeurs grecs ont donné un mandat pour une nouvelle aube pour notre pays, où la solidarité et la justice remplacerait les mesures barbares des plans de renflouement », a-t-il poursuivi.
Mais le Parti communiste grec (KKE), arrivé en cinquième place avec 8,5% des voix, a décliné l'offre et des analystes estiment extrêmement improbable que les partis hostiles au plan d'aide, situés aux extrêmes de l'échiquier politique grec, joignent leurs forces.
Quant à l'extrême droite d'Aube dorée, qui promet de « nettoyer » la Grèce en expulsant les immigrés, quelle que soit leur situation, et que les autres partis grecs considèrent comme une formation néo-nazie, elle exultait dimanche soir.
La formation ultranationaliste qui n'avait obtenu que 0,23% des voix aux précédentes législatives, fin 2009, est créditée cette fois de près de 7% des voix et va faire son entrée au Parlement, où elle pourrait obtenir une vingtaine de sièges.
« La Grèce n'est que le début », a lancé Nikolaos Mihaloliakos à ses partisans réunis dans les rues d'Athènes.
La consultation de dimanche risque donc de replonger la Grèce dans le chaos politique et, par là, de relancer les turbulences dans la zone euro, voire d'amorcer un processus pouvant s'achever sur une sortie de l'euro.
LES ECHOS AVEC REUTERS
Les Echos
Grèce: les 2 grands partis laminés, crise politique en plus de l'économique
Les élections législatives grecques leurs résultats qui vont faire plus que des vagues. Les deux grands partis historiques ont été laminés, les néo-nazis arrivent.
A la crise sociale, économique et financière qui emporte la Grèce depuis des mois, les électeurs viennent d'ajouter ce week-end, une sérieuse crise politique. Elle prend la forme d'une débâcle électorale pour les deux piliers traditionnels de la vie politique grecque, les Socialistes et les Conservateurs. Pour ces derniers, la nouvelle démocratie reste sur la première marche du podium en perdant néanmoins plus d'un tiers de son électorat.
Pour les Socialistes, l'échec est encore plus cuisant: moins deux tiers des électeurs et perte de la deuxième place qui va à une coalition de gauche dont les leaders sont issus de la famille Euro Communiste. Plusieurs petites formations passent la barre des 3% pour être représentées au prochain Parlement, dont un parti ouvertement nazi dont le score avoisinerait les 6 à 7%. Les principales personnalités politiques grecques ont reconnu dimanche soir et leur défaite et la gravité de la nouvelle crise qui devrait forcer le futur gouvernement à essayer de renégocier des adaptations au plan de sauvetage et d'austérité, conclu voici quelques petits mois à peine, avec l'Europe et le Fonds monétaire international.
Willy Vandervorst à Athènes
rtbf.be
Le paysage grec profondément bouleversé
Angélique Kourounis
07/05/2012
Ce n’est pas avec colère que les Grecs ont voté à ces législatives mais avec rage. Comme prévu, les deux grands partis, conservateur et socialiste, qui monopolisaient entre 70 et 80 % du corps électoral dans le passé, arrivent à peine à 37 % des voix.
Les conservateurs constituent bien la première force politique, mais il leur sera très difficile de former une coalition aujourd’hui avec 108 sièges à peine. D’autant que le second parti est la Gauche Radicale du Syriza, farouchement opposée au mémorandum d’austérité. Elle dépasse, contre toute attente, les socialistes avec une estimation de presque 18 % des voix, ce qui représente environ 47 sièges.
En réalité, tous les partis qui défendaient une ligne anti-austérité ont fait un tabac. La troïka qui doit arriver en Grèce ce mardi aura du fil à retordre pour trouver une solution. Comme attendu, les néo-nazis ont opéré une véritable saignée parlementaire en recueillant 8 % des voix, soit au moins 10 députés.
Vassilis Tremis de la Gauche Démocratique, qui en milieu de soirée ne savait toujours pas si son parti allait entrer au Parlement, en est défait. "Je peux comprendre qu’un fasciste vote néo-nazi. Je peux comprendre qu’un nazi vote nazi. Mais ceux qui ont voté Xrissi Avghi car ils voulaient nous punir comme ils disaient dans la rue auront toute leur vie pour laver leur honte ! Ils ont fait entrer les néo-nazis au Parlement. Il faut qu’ils réalisent ce qu’ils ont fait", a-t-il déclaré.
Sur les plateaux, les présentateurs étaient tétanisés. Yiannis Prétenderis de la chaîne Mega n’en revenait pas : "il n’y a pas un seul village qui n’ait pas une voix pour eux". Beaucoup se posaient la question: inviter ou pas les membres de Xrissi Avghi ?
Dans les bureaux de Xrissi Avghi, son chef et fondateur Nikos Michaloliakos jubilait. Il a laissé tomber son discours verni le temps de la campagne électorale, pour montrer son vrai visage: "vous m’avez insulté, mis de coté, humilié mais j’ai gagné", a-t-il dit, revanchard. "Je suis venu, j’ai vu, j’ai gagné, a-t-il dit, en latin même! "Maintenant tous les étrangers hors de mon pays", a-t-il martelé! A la question posée, "comment allez-vous faire ?", il a répondu d’un ton glacial, "utilisez votre imagination".
A côté des néo-nazis, deux partis d’extrême droite devraient entrer au Parlement. Le Laos qui doit y entrer de justesse. Il paye là sa participation au gouvernement de coalition qui a voté pour le mémorandum d’austérité. Il est pratiquement laminé. Avec le Pasok et la Nouvelle Democratie, c’est le grand perdant de ce scrutin. Ses électeurs se sont partagés entre les néo-nazis de Xrissi Avghi et le tout nouveau parti des Grecs Indépendants qui atteint plus de 7 % des voix et qui refuse catégoriquement toute coalition avec ceux qui "ont vendu le pays".
Dans la soirée, les premières tendances se confirmaient éloignant d’autant toute possibilité de coalition. Pour Théodore Pangalos, numéro 2 du gouvernement socialiste, qui n’était pas candidat : "la seule solution serait d’aller à nouveau vers d’autres élections, je ne vois pas quoi faire d’autre".
A noter qu’il était le seul officiel du Pasok à parler sur les plateaux télé. Pour sa part, Evangelos Venizelos, ex-ministre Pasok des Finances, a déclaré : "Nous n’avons aucune majorité et aucune coalition proeuropéenne n’est possible". Il en a appelé à un gouvernement d’union nationale avec toutes les forces proeuropéennes. "L’élection de François Hollande donne espoir que quelque chose peut changer en Europe. Nous ne devons pas laisser passer cette chance. Le pays a besoin d’un gouvernement stable. Que les dieux de la Grèce aident la Grèce", a-t-il conclu.
Signe qui ne trompe pas, il n’y avait dimanche soir aucune scène de fête à Athènes. Pas de klaxons, pas de voitures qui sillonnaient la ville. Les seuls cris de joie sont venus de la rue Deliyianni, au siège de Xrissi agvhi. Même les militants de Syriza, qui ont obtenu un score qu’ils n’avaient pas osé rêver, affichaient profil bas : "Avec presque 20 députés néo-nazis, il n’y a pas de quoi faire la fête".
Lalibre.be