François Hollande président : le plus dur est à venir

 

 

François Hollande président : le plus dur est à venir

JUREK KUCZKIEWICZ

dimanche 06 mai 2012, 02:00

François Hollande remporte la présidentielle avec 51,67 % des voix : la France est divisée. Obtiendra-t-il une majorité socialiste lors des législatives des 10 et 17 juin prochains ? L'analyse de Jurek Kuczkiewicz

Trente et un ans : c'est le temps qui s'est écoulé depuis la dernière fois où la gauche a ravi à la droite la présidence de la République. Comme François Mitterrand en 1981, c'est à un président candidat à sa propre succession que François Hollande arrache l'Elysée. Et enfin comme il y a trente ans, cette victoire s'apparente plus à un rejet du sortant, qu'au choix enthousiaste d'un homme neuf et chargé des espoirs positifs d'un peuple. (Ce que fut Nicolas Sarkozy il y a cinq ans.)

 

Au-delà de ces similitudes, les deux victoires sont-elles comparables ? Elles le sont, mais la comparaison débouche sur des conclusions totalement inverses. La victoire de 1981 était annonciatrice de changements, on serait tenté de dire de chambardements, économiques : nationalisations massives et largesses sociales inconsidérées. C'est qu'à l'époque, la France, ou du moins les socialistes, pensaient pouvoir faire cavalier seul en Europe. Mal leur en prit : deux ans plus tard, c'était « le tournant de la rigueur », nouveau nom donné à la bonne vieille austérité. (Une rigueur et un maintien dans le système monétaire européen, prôné, cela vaut la peine d'être rappelé, par un certain Jacques Delors, mentor du président élu ce dimanche.)

 

En 2012, plus personne ne pense que la France pourrait, seule et pour elle seule, changer radicalement de politique économique. L'intégration économique européenne et la mondialisation sont passées par là. Les contraintes – budgétaires, européennes, et celles des marchés – constituent un écheveau d'une complexité inouïe, au tamis desquelles les promesses électorales de jours meilleurs ne seront pas faciles à faire passer. Cela signifie-t-il dès lors que la marge de manœuvre de François Hollande sera nulle ? Elle sera fort étroite. Mais elle existe.

 

Paradoxalement, même si l'on sait que le grand chambardement n'est pas à l'ordre du jour, le basculement de gauche à droite de l'un des grands pays européens ouvre la possibilité d'un infléchissement, ou même seulement d'accents nouveaux dans la politique économique de l'Union, ce qui déjà ne serait pas banal. En ce sens, cette élection est susceptible d'avoir plus d'impact que celle de Mitterrand en 1981. Et c'est sur ce terrain-là que l'on attend les premiers pas du nouveau président, dont on disait, dimanche en journée, qu'il aurait dès la soirée un premier contact avec la chancelière Angela Merkel.

Des législatives explosives

Mais on aurait tort d'oublier que ces premiers pas, le nouveau président devra les poser en même temps qu'il entamera une nouvelle campagne électorale : celle des législatives des 10 et 17 juin prochains. Bien que l'histoire électorale française indique que le parti d'un président élu a toujours gagné des élections législatives convoquées dans la foulée, rien ne permet de tabler qu'il en sera nécessairement ainsi cette fois encore.

 

Le PS français a beau avoir remporté toutes les élections intermédiaires depuis l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, ce parti, pas plus que la gauche dans son ensemble, ne sont majoritaires dans l'électorat français. Nicolas Sarkozy a beau avoir été battu, le total des voix qui se sont portées au premier tour sur les candidats du centre (Bayrou, ancré historiquement à droite), de droite (Sarkozy et Dupont-Aignan) et de l'extrême droite (Le Pen), ont totalisé 56 % des suffrages… La situation particulière dans laquelle la droite a été placée par la défaite de Sarkozy, le score de 20 % de Marine Le Pen, et le « choix personnel » de Bayrou en faveur de Hollande au second tour, feront des législatives de juin un exercice particulièrement explosif pour la démocratie française. Le risque d'une cohabitation risque de forcer François Hollande, le PS et leurs alliés de la gauche à un positionnement électoraliste très éloigné du champ du possible post-électoral.

 

L'équation du prochain mois sera donc extrêmement complexe. Les impératifs électoraux obligent le nouveau président à opérer rapidement quelques gains symboliques face au mot d'ordre général d'austérité. Mais des envolées électorales trop radicales en ce sens risquent tout aussi bien de le discréditer, face à ses collègues européens comme face aux marchés financiers. Et dès lors, d'annihiler sa capacité d'action de nouvel homme fort européen.

L'état de grâce de François Hollande ne sera pas court ; il ne sera pas.

 

lesoir.be



07/05/2012

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