Le printemps des étudiants québécois : six semaines en images
Le printemps des étudiants québécois : six semaines en images
Mario Jean est un photographe de 29 ans qui habite Montréal. Avec son appareil photo, il a été le témoin des manifestations étudiantes contre l’augmentation de 75% des frais de scolarité, mesure annoncée par le premier ministre du Québec, Jean Charest.
D’après Mario Jean :
« Cette grève est la plus importante de notre histoire, tant au niveau du nombre de grévistes (environ 200 000) que de la durée (maintenant plus de 75 jours). »
Le photographe a accepté de nous parler des images qu’il a réalisées entre le 18 mars et le 25 avril, alors que la contestation se poursuit.
Les débuts
18 mars 2012
Le 18 mars dernier, Mario Jean rejoint pour la première fois les manifestations :
« J’y ai participé parce que je tenais à appuyer la cause. J’ai pris quelques photos ce jour-là pour témoigner de la grande énergie et de la bonne humeur contagieuse qui unissaient les manifestants. »
Le photographe poursuit :
« Comme il s’agissait de la première marche à laquelle je participais depuis le début du mouvement, j’ai été impressionné par son ampleur. Les médias étaient encore très discrets et je ne m’attendais pas à retrouver plus de 20 000 personnes ! »
La cause
22 mars 2012
Au Québec, les jeunes ont l’habitude de se mobiliser :
« Cela est surtout vrai dans le cas où l’accessibilité aux études supérieures a été menacée. On peut penser au dégel des droits de scolarité, à leur augmentation (30%) il y a quelques années, ou au mouvement actuel pour bloquer leur hausse drastique de 82% sur sept ans. »
Et la figure contestée du gouvernement n’arrange rien :
« Le gouvernement de Jean Charest a été impliqué dans d’innombrables cas de corruption et de décisions ayant soulevé la grogne populaire. Mais il est encore au pouvoir après neuf ans ! »
27 mars 2012
« C’est l’immeuble Loto-Québec, symbole fort du capital. On y retrouve aussi les bureaux de la Crepuq (Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec). Les policiers en bloquaient les accès pour éviter que des manifestants ne décident d’occuper l’immeuble. »
« Cette photo a été prise quelques minutes après la précédente. C’était juste un peu plus loin, sur la rue. Les étudiants étaient un peu partout, sur la chaussée, afin d’en bloquer l’accès à la circulation automobile. Ceux que l’on aperçoit sur cette photo ont tout simplement décidé de s’étendre et de profiter un peu du soleil ! »
Les itinéraires
28 mars 2012
« Dans le long débat sur le sujet des frais de scolarité, certains prônent la hausse, d’autres voudraient le gel alors que plusieurs souhaiteraient la gratuité scolaire. C’est le cas des étudiants du Cégep du Vieux-Montréal. D’où “Le Vieux” sur la banderole, à côté du mot “gratuité”. »
La créativité
29 mars 2012
Sur cette photo, l’épouvantail représente Jean Charest :
« La créativité des étudiants n’a cessé de se renouveler et d’impressionner. Plusieurs manifestations avaient des thèmes formidables. Ici, le 29 mars dernier, le thème était le carnaval : tout le monde était invité à se déguiser. »
Le Québec
2 avril 2012
La photo a été prise à Sherbrooke, à plusieurs kilomètres de Montréal :
« Les points de départ des manifestations étaient à peu près toujours les mêmes. Dans le cas des plus petites manifestations, le trajet n’était pas dévoilé avant le départ, voire complètement improvisé.
Et certaines de ces marches pouvaient parfois s’étaler sur plus de 10 km ! C’est donc davantage leur durée et leur fréquence que leur parcours qui rendaient la chose plus difficile à suivre. »
Mario Jean précise la portée des manifestations :
« Le mouvement étudiant, même s’il est concentré à Montréal, est actif dans toutes les grandes villes du Québec. Cette manifestation-ci se déroulait à Sherbrooke, où se trouve le comté de notre Premier ministre.»
Les personnalités
5 avril 2012
« C’est Armand Vaillancourt, un très grand peintre et sculpteur québécois. C’est un homme que j’admire profondément pour sa créativité et son intégrité. »
Mario Jean commente :
« J’étais dans un rassemblement entre deux manifestations, quand Armand nous a croisés, par hasard. Il est alors venu nous rejoindre et s’est mis à partager combien ce qu’il se passait était la plus belle chose qu’il ait vécu dans sa vie. Puis, au fil de ses paroles et des réactions de la foule, ses confessions se sont transformées en un discours épique ! Ça a été un grand moment pour moi. »
Les lapins
9 avril 2012
« Le “Rabbit crew”, c’est un petit groupe de personnes qui sont d’abord intervenues dans le mouvement en diffusant une vidéo où un kidnapping était mis en scène, dans le but de faire fléchir le gouvernement. Tout ça dans un cadre humoristique. Mais certains l’ont pris au sérieux et les médias s’en sont saisis. Ils amènent une belle dose d’humour et font de très bons sujets de photo. »
Le photographe conclut :
" Ils font penser aux Anonymous : masqués, ils cherchent aussi à mettre du sable dans l’engrenage du système en place, à leur façon. "
Les prises de parole
9 avril 2012
« Probablement le plus beau et le plus poétique discours qu’il m’ait été donné d’écouter dans le cadre de manifestations. Il s’agit de Julien Lavoie, un écrivain faisant partie du collectif Fermaille. Le texte qu’il a lu a pour titre “Discours pour l’augure d’un temps nouveau”.
18 avril 2012
« De nuit, les manifestations étaient relativement rares au début. Mais depuis deux semaines, il y en a une chaque soir. On promet d’ailleurs “une manifestation de soir, jusqu’à la victoire” !
Les happenings
19 avril 2012
« Dans le contexte du mouvement qui commençait à s’éterniser, en grande partie à cause du mépris du gouvernement, l’idée de cette manifestation ponctuée de “die-ins” [faire semblant de mourir, ndlr] venait du désir d’exprimer la détermination des étudiants. »
Les étudiants
25 avril 2012
« La plupart des partis ont pris position quant aux frais de scolarité. Certains prônent une simple augmentation liée à l’inflation alors que d’autres désirent tout mettre en œuvre pour arriver à la gratuité scolaire.
Les affinités des étudiants sont surtout destinées vers le Parti québécois, Québec solidaire, ou encore Option nationale. Mais une chose est certaine : le Parti libéral de Jean Charest n’a pas la cote. »