Qu’est-ce que Syriza, le parti de gauche radicale qui remue la Grèce ?
Qu’est-ce que Syriza, le parti de gauche radicale qui remue la Grèce ?
Dimanche, le parti de gauche radicale Syriza a créé la surprise en Grèce en rassemblant 16,5% des voix aux élections législatives anticipées. Mené par Alexis Tsipras, le parti a triplé son score de 2009 et a raflé 52 sièges à la Vouli, la Chambre des députés grecque, devenant ainsi le premier parti de gauche du Parlement.
D’où sort Syriza ?
« Vague rouge », « tsunami électoral » : deuxième parti de la Vouli (après Nouvelle démocratie, parti conservateur) et premier de gauche avec 16,5%, le Syriza semble sorti de nulle part. Ce parti de la gauche radicale ne date pourtant pas de la crise financière. Nikos Sigalas, chercheur à l’Institut français des études anatoliennes (Ifea), explique qu’il trouve ses racines dans la scission du Parti communiste grec :
« Dans les années 70, à l’image de ce qui s’est passé en Italie, le parti communiste s’est divisé entre les communistes favorables à l’influence de l’Union soviétique et ceux qui préféraient s’en détacher. Syriza [fondé au début des années 2000, ndlr], est issu des courants communistes qui souhaitaient devenir indépendant de Moscou : la partie proeuropéenne du parti communiste. »
Le Parti communiste de Grèce, le KKE, a réalisé 8,48% aux élections législatives, soit une augmentation de 0,9 points par rapport à 2009 ; Syriza, lui, a explosé, de 4,6% à 16,5%.
Quelle est sa position sur l’Europe ?
Syriza critique ouvertement le « memorendum » par lequel la Grèce a engagé un sévère plan d’austérité en échange de crédits internationaux. Inquiet d’être doublé par sa gauche, le Pasok (gauche) a accusé Syriza de verser dans une dérive antieuropéenne et de préparer la sortie du pays de la zone euro, voire de l’UE.
Une menace qu’Alexis Tsipras, chef de file de Syriza, a balayé cette critique d’un revers de main :
« Affirmer que notre appartenance à l’euro est en danger est un mythe construit de toutes pièces, un chantage exercé par les partis favorables aux plans de renflouement et un outil visant à pressurer le peuple afin qu’il accepte des mesures qui nous amèneront la misère. »
Jean Marcou, professeur à l’Institut d’études politiques de Grenoble sur la politique des Etats du Sud de l’Europe, notamment de la Grèce, lui donne raison :
« Le Syriza n’est pas hostile à l’Europe. Bien au contraire : il est issu des courants communistes favorables à l’Europe et à la construction européenne. Cependant, il refuse l’Europe telle qu’elle a été construite : une Europe économique, de l’austérité... Il veut une Europe aux politiques sociales, favorisant la croissance. »
Comme François Hollande, souligne Nikos Sigalas :
« La candidature de François Hollande, contre l’Europe de l’austérité, a été utilisée par le Syriza durant sa campagne. En montrant qu’un candidat éligible en France proposait l’introduction d’un volet sur la croissance européenne, le parti grec a souligné sa propre crédibilité. »
Plus qu’une sortie de l’Europe et de l’euro, les chevaux de bataille du parti sont le gel du remboursement de la dette grecque et la renégociation du plan d’aide européen.
Pourquoi un tel succès ?
La crise a joué un rôle évident dans le score de Syriza. Le parti a rassemblé les déçus des deux partis majoritaires habituels que sont Nouvelle démocratie à droite, et Pasok à gauche.
Jean Marcou rappelle que ce mouvement avait été amorcé dès 2009 :
« Cet effritement des partis majoritaires avait déjà eu lieu lors des précédentes législatives en 2009. Le Syriza avait alors réalisé un peu moins de 5%. Dans le contexte de 2009, il s’agissait déjà d’un frémissement important, à l’image de ce qui s’est déroulé au Portugal. »
Le parti a aussi profité du dynamisme de son jeune leader, Alexis Tsipras, âgé de 37 ans. Pour Nikos Silagas, il est plus proche d’un Olivier Besancenot que d’un Jean-Luc Mélenchon :
« C’est un bon gars. Un bon jeune homme, dynamique. Il s’était fait remarquer au moment des émeutes lycéennes qui se sont déroulées au début des années 90 en Grèce, contre des réformes de l’éducation. Quand il a intégré le parti, il en a dépoussiéré l’image vieillisante. Il est très apprécié en Grèce. »
Il avait choqué en appuyant les émeutes grecques contre les mesures d’austérités.
Est-il apte à gouverner ?
Là est la plus forte inconnue. Jean Marcou remarque :
« La situation est totalement nouvelle, avec l’apparition de forces politiques qui n’ont jamais gouverné. C’est une grande première, avec une réduction des partis de gouvernement que sont Nouvelle démocratie et le Pasok. C’est presque une remise en cause du système parlementaire grec tel qu’il a existé jusqu’ici depuis 1975. »
En plus du renforcement de Syriza à gauche, de nouveaux partis comme Grecs indépendants (droite souverainiste) ou Aube dorée (néo-nazi), ont émergé lors de cette élection. Dans un système parlementaire tel que celui de la Grèce, la capacité à gouverner équivaut à la capacité à faire des alliances.
Nikos Sigalas décrit :
« Tout le monde attend maintenant que le Syriza présente au Président une bonne proposition de coalition. Je pense que le parti espère que Nouvelle démocratie n’arrivera pas à rassembler et tentera de présenter une alternative à gauche. Mais ça va être très dur... »
Le président de la République, Karolos Papoulias, vient de donner trois jours au parti Nouvelle démocratie pour former un gouvernement. Alexis Tsipras a déjà fait savoir à Antonis Samaras, le dirigeant de ND, qu’il refusait toute alliance avec son parti. Si ce dernier ne parvient pas à trouver un accord, ce sera à Syriza, qui a réalisé le second meilleur score, de proposer une coalition.