Une taxe internationale sur la fortune, c est possible !

 

 

Une taxe internationale sur la fortune, c'est possible !

 

21/03/2012

 

 

Patrick Weil  Prof associé à Yale

 

 

Nicolas Sarkozy veut taxer les exilés fiscaux. Les pays européens utilisent en effet un système d'organisation territoriale modifié selon lequel tout revenu gagné hors du territoire fiscal n'est pas imposable. Tout encourage encore aujourd'hui le riche Européen à devenir résident d'un pays qui jouit d'une faible charge fiscale tout en conservant sa citoyenneté dans le pays de son choix.

 

Les particuliers fortunés peuvent toujours changer de pays de résidence et ils peuvent le faire plus facilement que les plus pauvres. Des études récentes montrent que, par exemple, sur les 28 milliardaires vivants en Suisse, seulement onze sont citoyens suisses ; de même, quatre vivent à Monaco alors que seul l'un d'entre eux est citoyen de la Principauté.

 

Mais Nicolas Sarkozy n'a pas dit sur quelle base et à quel taux il voulait taxer nos compatriotes à l'étranger qui sont aussi devenus des électeurs importants. Et surtout sa proposition n'est encore qu'une demi-mesure. Car les ultra-riches peuvent non seulement changer de résidence mais aussi de nationalité.

Explosion du nombre d'expatriés américains

Car lorsqu'un Etat soumet ses ressortissants à des impôts au-delà des frontières nationales, quel que soit leur lieu de résidence, ces personnes optent de plus en plus souvent pour un changement de nationalité. Les Etats-Unis, seul pays développé à imposer un impôt fondé sur la citoyenneté plutôt que sur le domicile, subissent ce phénomène. Cette pratique a incité les méga-riches à renoncer à leur nationalité afin d'éviter de payer des impôts américains.

 

Le Heroes Earnings Assistance et le Relief Tax Act de 2008 ont tenté d'atténuer ce phénomène en soumettant certains expatriés volontaires (des citoyens qui abandonnent leur citoyenneté et des résidents permanents qui renoncent à leur carte verte) à une exit tax. Cela n'a pas empêché que depuis 2008, le nombre d'Américains expatriés a été multiplié par quatre au moins (passant de 238 en 2008 à 1027 en septembre 2010).

Un impôt déconnecté de la citoyenneté ou de la résidence

Comment instaurer plus de justice fiscale, tout en respectant le droit de chaque être humain à avoir une nationalité, à ne pas en être privé contre son gré ? Nous proposons de soumettre les individus les plus fortunés à un impôt international qui ne serait pas conditionné par leur citoyenneté ou leur lieu de résidence.

 

A titre d'exemple, un impôt annuel de 1% sur la fortune appliqué aux 1 210 milliardaires du monde entier représenterait 45 milliards de dollars en 2011. Deux hypothèses :

  • Soit l'Etat de nationalité ou de résidence de chacun de ces milliardaires perçoit par l'impôt sur le revenu et/ou tout autre impôt national ce 1% et ce milliardaire est quitte ;
  • Soit il ne le perçoit pas et dans ce cas, après avoir payé d'éventuels impôts sur son lieu de résidence ou dans son pays de nationalité ce milliardaire devra payer le reste de la somme due. Cet impôt serait perçu par le pays de résidence ou, en cas de refus ou d'échec de la perception de l'impôt, par un quelconque autre pays de l'ONU signataire de cet accord.

Partager l'impôt entre les pays de résidence

Si un individu a changé de nationalité ou ne réside dans son pays de nationalité, le montant de l'impôt sera réparti entre les Etats auxquels l'individu aura appartenu dans le présent et dans le passé, proportionnellement au nombre d'années passées sous telle ou telle nationalité.

 

Exemple : si un Américain devient Suisse à 49 ans, les Etats-Unis percevront une part de 49/50 de cet impôt lorsque ce contribuable aura 50 ans et la Suisse une part de 1/50, puis 49/51 à 51 ans, etc.

 

Cet impôt réparti entre les Etats nations pourrait contribuer prioritairement à financer les organisations internationales (à titre d'exemple et de comparaison, le budget de l'ONU est de 13 milliards de dollars). Il pourrait venir en déduction des contributions dont doit s'acquitter chaque Etat envers les différentes organisations internationales auxquelles il appartient – la priorité serait donnée aux agences de développement de l'ONU, à la Banque Mondiale et au Fond Monétaire International.

 

Si le montant de l'impôt perçu dépasse le montant de ces contributions aux organisations internationales, l'excédent pourra être utilisé pour rembourser les dettes de ces Etats nations auprès de ces organisations internationales ou pour le financement direct de dépenses ayant un impact international comme les dépenses d'environnement ou de développement.

Un système qui dissuaderait l'évasion fiscale

Un tel impôt bénéficierait aux plus grands pays du monde et à leurs citoyens en réduisant les besoins de financement de ces états et en dissuadant l'évasion fiscale. Il pourrait décourager une partie des personnes qui changent de pays de résidence et/ou de nationalité à le faire. Car même si la Suisse, Monaco ou les Iles Caïman refusent de signer l'accord, leurs résidents expatriés et leurs ressortissants ne pourront plus voyager dans les Etats de l'Union européenne, la Chine la Russie les Etats-Unis – tous pays qui ont intérêt à l'accord – sans risquer de se la voir imposée.

 

Cet accord profiterait aussi aux pays les pauvres du monde en renforçant les organismes internationaux auxquels ils appartiennent. Les coûts seraient supportés principalement par les citoyens les plus fortunés du monde et par les paradis fiscaux qui deviendraient potentiellement moins attractifs. N'est-il pas temps que le prochain Président de la France propose la création d'un tel accord et d'une telle taxe ?



26/03/2012

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 26 autres membres