La Grèce hors de l’euro, c’est l’Europe en quenouille

 

 

La Grèce hors de l’euro,

c’est l’Europe en quenouille

 

 

19/05/2012 Sylvain Gouz / Rue89.com
 

Sortira, sortira pas ? L’éventualité, voire la perspective, de la sortie de la Grèce de la zone euro fait, semble-t-il, passer des nuits blanches aux eurocrates bruxellois et aux banquiers de toute l’euroland.

 

D’abord parce que l’accord qui a donné naissance à la zone euro (art.119 à 144 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ) ne prévoit aucun dispositif de retrait pour un pays qui y a été admis (ce fut le cas de la Grèce en 2001).

 

Faudrait-il alors que ce pays quitte carrément l’Union européenne -ce qui est davantage possible sur un plan strictement juridique ?

 

Deuxième motif d’insomnie pour ces eurocrates et ces banquiers, les modalités pratiques d’un retour de la Grèce à son ancienne drachme.

  • A quel rythme imprimer les billets et frapper la nouvelle/ancienne monnaie ?
  • Comment procéder à l’échange euro contre drachme ?
  • Et surtout à quel taux tout en tentant d’éviter un marché noir quasi-évident ?
  • La dévaluation de la drachme –qui serait le but final de l’opération- devrait-elle intervenir au moment de cet échange ou postérieurement ?

Dominos et boule de neige

Enfin et surtout, chacun où qu’il se trouve placé sur la scène monétaire et financière européenne, est condamné à une tempête neuronale personnelle pour jauger les conséquences de cette éventuelle sortie :

  • La Grèce hors de la zone euro, cela créerait un précédent et un précédent plutôt fâcheux qui remet au goût du jour la théorie des dominos ou celle de la boule de neige, c’est selon. Après Athènes qui ? Madrid, Lisbonne, Rome…
  • Convertir l’euro en drachme, ce serait un appauvrissement évident pour l’économie grecque et les Grecs en général –à l’exception des petits malins qui auront déjà transféré leurs avoirs- mais cela constituerait une dévalorisation instantanée des créances libellées en euros et détenues par les banques étrangères, principalement allemandes et françaises. Un effet boomerang que les bourses ont, semble-t-il, anticipé en dégradant les cours des établissements financiers les plus concernés, notamment le Crédit agricole.
  • En cascade, donc il faudrait renflouer ceux qui ont prêté à la Grèce, mais surtout leur apporter des garanties pour qu’ils continuent à souscrire à des emprunts espagnols, italiens et autres. Dans cette occurrence ce ne pourrait être que la Banque centrale européenne qui se porterait garante de ces emprunts « en dernier recours ». Mais alors pourquoi ne le fait-elle pas -ne l’a-t-elle pas fait- pour la Grèce ?

Des comptes badigeonnés en rose

Sans allonger davantage les incertitudes liées à cette sortie grecque, il faut revenir en quelques lignes sur le « comment on en est arrivé là ».

 

D’abord bien sûr il y eu le « badigeonnage en rose “ des comptes grecs (avec l’aide active et nullement désintéressée, dit-on, de Goldman Sachs) qui a permis à ce pays de satisfaire en apparence aux critères posés pour intégrer la zone euro en 2001. Badigeonnage dont il n’est pas certain que les experts européens aient vraiment été dupes…

 

Ensuite, lorsque la crise s’en fut venue, il fallut des mois de tractations pour décider, voici tout juste deux ans, d’un premier plan d’aide à la Grèce -sous forme de prêts et non de dons-. Des mois de tractations pour convaincre l’Allemagne qui s’en tenait mordicus à l’époque à un postulat quasi-moral : ‘la Grèce a fauté, la Grèce doit payer’.

Le toujours plus d’austérité

En contre-partie de cette aide européenne couplée à celle du FMI décidée alors, les Grecs devaient ‘faire un effort’ pour réduire ses dépenses publiques… on connaît la suite. Après ce premier plan en vint un autre puis un autre et, chaque fois des efforts supplémentaires étaient demandés à Athènes (tailler dans les retraites, baisser les salaires des fonctionnaires, réduire les prestations de santé, privatiser ses entreprises publiques…). Et chaque fois, l’économie grecque s’enfonçait un peu plus dans la récession et dans les déficits.

 

Jusqu’à ce que les Grecs eux-mêmes -lointains héritiers des inventeurs de la démocratie faut-il le rappeler- disent, via les urnes, ‘stop on ne joue plus…’. On connaît la situation : imbrogio politique y compris avec l’émergence d’un parti carrément nazi, nouvelles élections en vue, fuite devant la monnaie, retraits massifs de l’argent placé dans les banques…

 

Bien sûr les Grecs, y compris du fait de l’impéritie de certains d’entre eux, sont en grande partie responsables de ce qui leur arrive. Et ils ne sont pas au bout du chemin. Mais comment absoudre l’irrédentisme franco-allemand de ces deux dernières années qui a conduit à toujours réagir trop faiblement et trop tard et surtout de manière inadaptée à la crise grecque ?

Repenser l’Europe d’urgence

Cette crise grecque est aujourd’hui une crise européenne. Le départ de la Grèce de la zone euro, voire de l’Union européenne, ne serait que le début du détricotage de la construction européenne telle qu’elle est.

 

C’est donc cette construction européenne qu’il faut repenser d’urgence -dans son fonctionnement et dans son périmètre comme dans son contenu démocratique- au-delà des mesures de sauvetage de la Grèce qui s’imposent à très court terme si l’on veut éviter l’implosion décrite plus haut.

 

Face à cette ardente nécessité le traité d’austérité budgétaire auquel s’accroche encore Mme Merkel fait figure de simple péripétie.

 


19/05/2012

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